Actualités, Algie vasculaire de la face

Témoignage d’une maman dont le fils est atteint d’algie vasculaire de la face

Marche avec……. Sans prise de tête !

Préambule :

J’ai décidé de marcher avec mon fils atteint d’une maladie neurologique terrible (AVF), comme je l’ai toujours fait avec les gens que j’aime et aussi mes patients et leur parents. PeutCêtre qu’être psychomotricienne à la retraite m’y destinait ? Se mettre en mouvement… avancer… un pas après l’autre, comme un symbole de résilience… voilà son histoire qui est aussi celle de notre famille.

Le pic de l’aigle :

C’est arrivé d’un coup VLAN ! comme une porte qui claque sur un courant d’air malveillant. Personne ne l’avait vue venir cette douleur inouïe s’enfonçant dans l’orbite comme des griffes d’un aigle sur sa proie impuissante. AGG 18 ans, avait tenté en vain de s’échapper aux WC du gymnase (lycée) espérant que l’eau froide ferait fuir cet aigle imaginaire qui s’acharnait à arracher son oeil de l’orbite en s’accrochant à sa tête malgré les essais de mouvements de toutes sortes pour le faire fuir… Puis SCHLAC ! plus rien… envolée avec l’aigle, la douleur, d’une minute à l’autre, laissant AGG pantois, étourdi, se demandant abasourdi s’il avait fait un cauchemard ou quoi ? Là… entre 2 cours… enfermé dans les WC, en état de choc. Puis la journée s’est passée comme si de rien n’était. Le soir, au repas familial, AGG a glissé entre deux bouchées « Ah ! ce matin je crois bien que j’ai eu « le truc à l’œil ». Faisant référence aux migraines à aura que son frère avait eues quelques fois. Tiens bizarre… sur le coup… on n’y a pas trop prêté attention… comme AGG était toujours en bonne santé. Si on avait su que la fatalité venait de frapper à sa porte et que 10 ans plus tard le chemin serait si pénible, qu’aurions nous fait alors ? mystère… et ce que nous aurions fait autrement n’aurait peutGêtre rien changé !

Donc, après cette fameuse déclaration un soir au repas, chacun avait repris le cours des activités : nous les parents bien occupés

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par notre travail respectif et frère et sœur également. Quelques fois il en reparlait et évoquait des maux de tête peutGêtre dû à son nez souvent bouché actuellement. Nous avons donc consulté un ORL sur le conseil du médecin de famille, oncle d’AGG, en qui nous avions pleine confiance. L’ORL a découvert des allergies et une cloison nasale déviée. Une fois les allergies traitées et la cloison opérée, malheureusement les maux de têtes ont continué. Nous nous sommes posés la question si la concentration que lui demandait ses études au gymnase (lycée) n’y était pas pour quelque chose. Donc option a été prise de changer d’orientation. Et finalement après une nouvelle crise violente et constat de sa sœur étudiante en médecine à l’époque, se référant à son oncle médecin, il a été décidé de consulter un neurologue qui a confirmé le diagnostic de CLUSTER HEADACHES (algie vasculaire de la face en grappe). C’est une maladie rare qui a souvent été non diagnostiquée car la rapidité des changements entre la violence de l’attaque de douleur et l’arrêt brutal, place le patient et les soignants dans une sorte d’incertitude qui fait parfois entrer dans les méandres d’errances diagnotic. Ce que nous avons eu la chance (si on peu dire) de ne pas avoir…

Diagnostic et après…

Mais après le diagnostic, les différentes étapes de soins ont commencé et les premiers effets étaient spectaculaires et encourgeants. Un spray nasal (le Zomig) interrompait la crise et permettait de reprendre les acitvités. Puis la prise de beta bloquant et d’injection de Sumatriptan, dont les doses augmentaient toujours plus et différents médicaments aussi utilisés pour la dépression mais qui semblaient faire effet chez certains patients ainsi que des consultations en antalgie avec des médecins fantastiques qui ont tenté des inflitrations diverses et deux opérations en neurochirugie pour la pose de stimulateur ont été le chemin de croix d’AGG qui courageusement finissait un apprentissage, puis une maturité professionnelle, tout en jonglant entre vie sociale, familliale, professionnelle et les rendezGvous chez les médecins… Ceci pendant 6 ans environ (2015) jusqu’à ce

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que la fréquence des crises quotidiennes ne soient plus compatibles avec les études supérieures dans une école en Suisse allemande ainsi qu’avec l’école de recrue auquel il tenait tant !

Vie sociale à revoir :

Alors la marche avec… a pris un virage différent… Jusque là, le côté social et la vie amoureuse avait une place encore adaptable (avec quand même déjà pas mal de concessions). Mais dès lors, tout s’est compliqué aussi pour nous ses parents ainsi que les frère et sœur aussi pris par leur propre vie et la difficulté à supporter de voir leur frère souffrir. Je ne vais pas être leur porte voix, car ce qu’ils vivent avec leur frère leur appartient. Il en est de même pour son papa, les proches et les amis fidèles qui chacun à leur manière font de leur mieux pour être là. Le but de ce texte n’est pas de faire le procès de qui que ce soit, ni de décrire le parcours du combattant pour certaines demandes d’opération ou de remboursement de bombonnes d’oyxène qui n’étaient pas dans le catalogue des maladies rares, ni d’entrer dans les méandres du serpent qui se « mord la queue » du manque d’études sur cette maladie et du coup l’énergie incroyable à déployer pour obtenir gain de causes… ça pourrait faire l’objet d’un livre entier. Même si c’est important de l’évoquer, j’ai plutôt envie de mettre de côté ces mauvais souvenirs, chronophages et très destabilisants pour l’ambiance familiale. Car allez savoir pourquoi… un sentiment de malaise d’être un accompagnant d’un malade adulte peut vous prendre pas mal d’énergie avec ….. certains psy ou médecins parfois maladroits, lâchant des petites phrases du style : « faites un voyage, ça vous changera les idées » mais oui… évidemment que ça nous changerait les idées mais personne n’imagine ce que ça représente, car la maladie elle, n’est pas en vacances ! « Il paraît que ça passe vers 50/60 ans »… Merci de nous encourager pour les 30 années à venir de souffrances… « il peut faire quelques activités » « c’est super il a un appartement »…« c’est important de voir le verre à moitié plein »… comme si on n’avait pas déjà englouti des litres et des litres de verre… ma fois oui… à moitié plein de promesses

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auxquelles nous espèrions de toutes nos forces… mais qui se révélaient au fil du temps vide d’espoir ! Cependant, une chose est sûre, nous n’avions pas envie de nous résigner ! Même si nous avons été privilégiés dans l’ensemble des contacts médicaux et étions bien conscients que l’impuissance face aux traitements efficaces étaient le talon d’Achille de cette situation si dure à vivre au jour le jour pour un jeune de 20 ans puis 30 ans.

L’acceptation sans la résignation :

A commencé alors le long chemin des renoncements déjà pour son avenir et aussi faire comprendre ce que nous vivions. J’utilise le « nous » car le chemin s’est petit à petit élargi pour que l’on chemine ensemble. Et là je pense tellement à Boris Cyrulnik qui explique le fonctionnement de retrait des informations aux autres, lorsqu’on se rend compte qu’ils n’arrivent pas à intégrer ce qu’on dit de notre douleur. Cf : le livre « les vilains petits canards ». Toute proportion gardée, il me semble que le processus est le même. Pour nous, c’est un « exercice » d’abstinence et d’apprentissage de la solitude. Ce qui est le plus pénible, c’est de répéter les mêmes informations aux gens… le nom de la maladie (même à des proches) qui ne se rappellent plus. Et pour être efficace auprès des différents spécialistes rencontrés, j’ai fini par tenir un journal des prises de médicaments, actes médicaux, et fréquences des crises car après un certain temps, on n’arrivaient plus à se souvenir qui, quand, quoi, où, comment… Et comme j’avais aussi pas mal à gérer au travail et dans la famille élargie, c’était important de noter les choses. C’est une maladie tellement bizarre qu’en fait, on doit se « pincer » pour y croire alors qu’on vit au jour le jour avec cette situation de « m…. ». J’en ai aussi ma claque de justifier ma présence à certains professionnels qui ne mesurent absolument pas l’état dans lequel se trouve AGG, incapable de gérer davantage que les conséquences des crises qui l’épuisent au fil du temps. Je me justifie assez facilement finalement au vue de la situation : quelle maman ne se ferait pas de souci pour son fils de 30 ans à la

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maison avec une maladie qui est en train de le rendre psychiquement plus fragile alors qu’il était au TOP niveau à 18 ans avec un avenir prometteur ? et j’hésite même à enclencher la video que j’ai faite une fois, juste le son, pour donner une idée des douleurs invraisemblables qu’il endure, nous impuissants à ses côtés. Et je passe sur la dose de médicaments qu’il ingurgite depuis 10 ans dont la cortisone qui lui a fait gonfler les joues… C’est tellement pénible d’expliquer l’inexplicable comme s’il fallait justifier une faute quelconque !!! C’est assez simple pourtant : quelqu’un qui a mal, ça lui prend toute son énergie et s’il n y a pas de relai pour les choses pratiques… eh bien il craque ! Le besoin d’empathie et vital. Un exemple parmi d’autres : nous sommes à la maison comme présence pour qu’AGG ne se sente pas seul. Il attend un copain qui ne vient pas car il a eu un contreGtemps… Là aussi en situation normale ça ne poserait pas de problème … pas grave les contretemps « je viens /je viens pas »… pour ça AGG a toujours été souple… mais là, comme il n’y a plus beaucoup de monde au portillon, vu qu’à son âge beaucoup sont en couples avec des enfants, ça prend plus d’ampleur émotionnellement et donc aussi énormément d’énergie pour nous. Parfois, on me dit « on aimerait bien faire quelque chose mais on se sent impuissant ! » Il n’y a pas besoin de chercher trop loin, des fois juste un sms, boire un jus rapidement en passant, aller se chercher un mac do, s’intéresser à ses tableaux, proposer d’aller marcher avec lui sans forcément parler de sa maladie… lui ferait le plus grand bien pour pailler sa solitude. Quelques amis fidèles l’ont compris.

On continue le chemin :
Chaque jour est un challenge. Avec ou sans crises de douleurs. La difficulté de pouvoir travailler avec fiabilité au niveau de l’horaire est un vrai problème en soi… AGG a avec beaucoup de courage tenu le plus longtemps possible des activités temporaires : brevet cotaching fitness, travail en extérieur chez un paysagiste, moniteur de ski, répétiteur scolaire…mais un moment donné, l’implication pour l’organisation à cause des crises a des

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répercussions sur son état de fatigue chronique et sur les limites familiales pour compenser. Qui va promener le chien ? Qui fait le repas ? les nettoyages ? s’occupent de l’administratif tant pour les démarches avec l’A.I. qu’avec les médecins et rendezGvous divers. Comment manager tout en finesse pour laisser la place à l’autonomie et reprendre au vol lorsque ce n’est tout simplement pas possible. Les tensions font partie du lot ainsi que l’humour et la dérision pour tenir le coup sur la durée. L’optimisme à tout crin est aussi un élément pas toujours évident à gérer… et pourtant je suis adepte de la « polyanna attitude » mais il y a des moments où on a juste besoin de reconnaissance des faits et de consolation comme l’exprime si bien Anne Dauphine Julliand dans son livre : « La consolation. » : « …on peut faire cohabiter la souffrance et la joie mais il faut être consoler ». Et là bienheureusement nous avons croisé de belles personnes tant chez les médecins que chez des proches qui savent être là pour nous avec humanité. Mais aussi je rends hommage à la force de vie d AGG qui grâce à son caractère joyeux et sociable rebondit et sait s’octroyer des petits plaisirs après chaque épreuve.

Marche avec… sans prise de tête :

C’est donc pour toutes ces raisons qu’aller simplement marcher dans les forêts avec mon fils et son chien, sans forcément parler, fait du bien. L’idée du chien est venue petit à petit avec le besoin de contact et de but. Nous étions plutôt réticents au départ, mais les circonstances ont fait qu’Owaxs est entré dans notre vie. C’est vraiment une aventure humaine imressionnante. Etre maman d’une personne malade chronique avec des AVF est une source de souffrance psychologique, mais aussi de découverte sur la puissance de l’amour familial qu’on est poussé à déployer pour soutenir l’un des nôtres. Le chemin continue et nous sommes toujours en recherche de thérapies qui pourraient le soulager. Le dessin, la peinture et le sport l’aident à extérioriser, sa souffrance et la sublimer en

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recherche de la beauté pour combattre la douleur. Car AGG en vaut la peine c’est vraiment un héros !

Françoise Lipp

francoise.lipp1304@gmail.comjuin 2022 Instagram @grizlippe

4 pensées sur “Témoignage d’une maman dont le fils est atteint d’algie vasculaire de la face&rdquo ;

  1. Carole dit :

    Bravo Madame pour ce témoignage si révélateur de la dureté de la maladie, et de la vie d’aidant aussi. Je sais exactement ce que je ressens Gabriel car je vis la même chose, et je discute parfois avec lui via Instagram. Bravo de le soutenir autant que vous le pouvez 👏. Il a beaucoup de chance de vous avoir !

  2. Di Rito dit :

    Bonjour,
    J’ai lu votre témoignage avec une immense émotion…
    Mon fils qui a le même âge que votre fils Gabriel, souffre depuis fin 2019 d’algie vasculaire de la face, la maladie est arrivée au moment ou moi même je luttais contre un cancer du sein agressif.
    Nous nous retrouvés tous les deux, seuls face à nos maladies, nous sommes dans une famille ou on doit taire ses maux…
    Votre témoignage m’a donné envie de raconter notre histoire,
    Merci pour vos mots si justes.
    Inès

  3. Dan dit :

    Bravo, je suis bien placée pour connaître cette douleur,je souffre d’AVF depuis plus de 30 ans mais de façon épisodique tous les 1 ou 2 ans pendant 4mois . Et malheureusement ma seconde fille souffre aussi de cette maladie et je culpabilise beaucoup de lui avoir fait ce cadeau que maman m’avait déjà donné car elle aussi avait des violents maux de tête dans en avoir eu le diagnostic. Courage et profitons au maximum des moments agréables.

  4. Preuss dit :

    Bonjour,

    J’ai souffert d’AVF pendant plusieurs années avant de consulter le centre anti-douleur de l’hôpital Cochin, 75014.
    1 heure de questionnaire et une heure de consultation.
    Dans un premier temps il m’a été prescrit Verapamil et Isoptine que je prends toujours. Avec Zomig (effet en 30mn) ou Imiject (effet en 5 mn) en cas de crise. Après quelques années d’accalmie, mes crises ont recommencé.
    Nouvelle consultation et là, le médecin me prescrit une cure d’oxygène 4 fois par jour(plus en cas de crise). J’ai respiré mon oxygène très sérieusement pendant plus de 3 mois. Cela fait dix ans que je n’ai plus eu de crise !

    Bien à vous
    Jean-Jacques Preuss

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